La VIème République : quelle réalité ? quelle nécessité ?

· 5 minutes de lecture

Entretien avec Paul Alliès

Pourquoi la Vème République ne pourrait-elle plus répondre aux attentes d’aujourd’hui ?

Il y a deux raisons principales. Notre système est un système exotique vis-à-vis des autres Etats, notamment de l’Union Européenne.  La France est le seul pays qui a une vie politique tournée quasiment exclusivement vers l’élection du président ; elle est l’exception. Ce n’est pas seulement un « effet Sarkozy », mais ça a toujours été. Jospin souhaitait présider autrement en 2002… mais cette idée est fausse, car il existe un tropisme de l’élection présidentielle. Si l’on souhaite donner des conseils de démocratie, il faudrait commencer par chez nous.

Notre système est également un système anachronique. Les révolutions culturelles et technologiques tendent à diffuser l’information et à développer une horizontalité. Dans notre système présidentialiste, tous les présidents ont exercé un pouvoir bonapartiste, et peu importe la place du premier ministre. Le Président ne se rend pas à l’Assemblée, on ne discute pas de sa politique. Le premier ministre « déguste » mais pas la politique du président.

La crise à l’UMP est révélatrice ; les compétiteurs souhaitent prendre le contrôle du parti et jamais on a vu un tel acharnement  dans d’autres pays européens. C’est également le cas au P.S. Le président doit être le chef du parti et tenir le parti. Pourquoi l’élection en France mobilise plus de 78% des électeurs inscrits, alors que les autres ne mobilisent que très peu (30% pour le référendum) ? Pour les gens, c’est le président qui fait la pluie et le beau temps.

Pourquoi la VIème République ?
Le titulaire de la responsabilité politique est au cœur du sujet ; le premier ministre est le mieux à même de répondre à cette question. Le système doit être primo-ministériel. Il faut renverser le système. Le présidentialisme n’est plus d’actualité. Il faut mettre la démocratie en accord avec elle-même.
Ce n’est pas un retour à la IVème république. PMF est le pourfendeur de la IVème, plus que De Gaulle. Le mode de scrutin doit être à dominante proportionnelle, avec un certain seuil, comme le font les allemands.

Le système doit être plus représentatif mais qui garantisse une majorité et une stabilité. La France a beaucoup de partis et les coalitions sont des défis récurrents sous la Vème République, publiquement non dans le dos des électeurs. Le contrat de législature est le fait que le Premier Ministre engage sa responsabilité tous les ans, histoire que le programme de la coalition puisse continuer.La loi sur les apparentements de 1953 est une espèce de rapt, de vol de voix. Si la coalition à la majorité, elle truste toutes les voix. « Il n’y a pas plus pourri que la IVème République », c’est l’exemple type d’une grave défaillance de la démocratie. La VIème République sépare davantage les pouvoirs également.

N’est-ce pas l’impossibilité de mener une politique à long terme ?
Aujourd’hui, on essaie d’aller vite. Ce n’est pas l’action du Parlement que de faire perdre du temps à l’application de la loi. Chaque fois que le parlement a une initiative, elle est suspecte. L’idée est de donner un pouvoir au parlement.

Si l’on imagine que dans l’actuelle majorité de gauche, le Front de Gauche et EELV se retirent et que les hamonistes arrêtent de soutenir le gouvernement. Le premier ministre n’est plus soutenu par la majorité et doit demander au président de dissoudre l’assemblée ou démissionner. Si l’on ne va pas jusque-là, c’est une véritable respiration démocratique que de pouvoir demander des comptes.

De plus, les grands corps et leurs membres sont capables d’imposer une décision à Bercy, à Montebourg, à Moscovici. Où est la démocratie ? Où est la responsabilité des cabinets ? A chaque élection, on a un marché de personnes compétentes … mais au final, ce sont toujours les mêmes. Il faut donc changer cela. On peut prendre du temps pour savoir ce qu’est l’état de la société. Le risque est mineur de ne pouvoir mener une politique à long terme.

Qu’ont fait les candidats de vos idées ?
Le discours de Mélenchon sur la VIème République manque un peu de contenu, mais il reste le candidat du changement, notamment avec son discours de la Bastille. En 2007, de Bayrou à Besancenot, tous ont pris position en faveur de la VIème République, à condition que ce soit pour rationaliser la Vème République et la moderniser. Besancenot, c’est assez original, car le NPA considère que les institutions sont importantes dans leur combat.

Et la révision de 2008 ?
Plusieurs revues spécialisées tirent un bilan contrasté. Ce qui ressort de cette révision, et qui est le moins contesté, c’est que les Commissions gagnent un pouvoir important ; même si aujourd’hui la gauche ne les respecte pas. Sinon, pour le reste la responsabilité du président n’existe plus vraiment ; là-dessus, le Rapport Jospin remet les pendules à l’heure. La Haute-Cour est même supprimée en 2008. On ne peut plus vraiment rendre justiciable un président ; le cas Chirac est l’exemple type.Le pouvoir de nomination du président s’est étendu avec Mitterrand, du président de l’Opéra de Paris au directeur de la SNCF. C’est une véritable Cour avec sa courtisanerie. De même, les autorités indépendantes sont nommées par le président ; ce qu’a institué le Président Sarkozy, c’est que, si la commission souhaite s’opposer à la nomination à un poste, ¾ des membres doivent s’y opposer. C’est l’inverse qui devrait être fait.

Une assemblée constituante ?
Non, pas forcément. Pendant longtemps, les régimes n’ont pas prévu leur propre dépassement. Pendant la 2nde Guerre Mondiale, Pétain n’en a pas fait. De Gaulle n’en a pas fait en 1958, c’était à huit-clos. Aujourd’hui, la Vème République est la seule qui prévoit la possibilité de changer de régime ; mais c’est tellement compliqué, que l’on utilise l’article 11.


Clément Delaunay