Charlotte Corday, la femme qui a changé la Révolution

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19 Juillet 1793, Charlotte Corday assassine Jean Paul Marat dans sa baignoire. Elle n’a pas encore 25 ans lorsqu’elle commet ce crime contre une figure majeure de la Révolution Française.

Charlotte Corday et la Révolution

Fille d’un noble désargenté, elle vit  dans l’amertume d’un père obligé de travailler la terre comme un paysan. Lorsqu’elle perd sa mère à 13ans, elle est placée à l’abbaye aux dames de Caen. Elle vit enfermée dans ses lectures – elle qui est descendante directe du dramaturge Corneille.En 1790, elle doit quitter l’abbaye – fermée par la révolution – pour Paris. Comme chacun sait, 1793 est l’année où la révolution française bascule dans la terreur.

Le Roi est exécuté, les armées contre-révolutionnaires venues de toute l’Europe sont aux portes du pays… Pour faire face à ces armées, la Convention Nationale vote la levée de 300 000 hommes. Cette mesure impopulaire met le feu aux poudres, notamment en Vendée où la guerre civile éclate. Les révolutionnaires eux-mêmes sont divisés. On distingue généralement les Girondins, révolutionnaires modérés, des Montagnards plus radicaux. Ces derniers comptent parmi leurs figures les plus célèbres Danton, Robespierre et Marat. Des députés girondins sont exclus, bannis de la capitale et trouvent refuge en province, notamment à Caen. 60 départements se soulèvent contre la Révolution.

Charlotte Corday participe aux réunions dans sa ville natale et se rapprochent d’eux. Républicaine, elle est en opposition avec sa famille. Ses frères se sont engagés dans la contre-révolution. Cependant, elle est effrayée par les exactions, les règlements de comptes et autres morts violentes de la Révolution. En septembre 1792, une foule de révolutionnaires massacre 1300 prisonniers de droits communs, prêtres… La guillotine commence à faire couler le sang à Caen. A ses yeux, un homme est responsable : Jean-Paul Marat. Celui-là même qui a refusé l’appel au peuple, préférant l’appel à  la violence.Journaliste virulent, il représente la rage de la plume. Son journal, siège de son pouvoir, est lu par tous les sans-culottes. Haï par les contre-révolutionnaires et détesté de tous les modérés, une certaine frange de l’opinion souhaite sa mort. Il est également méprisé par les Montagnards, son propre camp.

Comment expliquer qu’un homme de sciences avant la Révolution déchaîne autant les passions ? Deux éléments semblent à l’origine de sa rage. Au début des années 1780, il démissionne de son poste de médecin pour s’engager « dans le privé ». Son affaire ne fonctionne guère, et sa situation financière s’en ressent. Ensuite, en 1782, il publie le Plan de législation criminelle où sont exprimées des idées personnelles, qui semblent avoir dérangé certaines personnes.

L’assassinat et le procès

Feignant d’apporter une dénonciation civique de 18 citoyens de Caen, elle parvient à franchir les barrières qui s’opposent entre elle et Marat. La mort de Marat, dans son bain, n’est donc pas le fruit du hasard. Marat était dans sa baignoire, car il souffrait d’une grave maladie de peau, soulagée par des bains d’eau et de soufre. La mort de Marat n’a pas eu l’effet escompté de calmer la Révolution et ses dérives meurtrières. Mais au contraire, elle l’a accéléré.

En effet, les montagnards ont cru à un complot de des girondins ; la terreur est mise à l’ordre du jour. Marat devient un mythe pour les montagnards, Corday, une martyre pour les girondins.

Pourtant quelques jours après l’événement, on considère que le mobile du crime est purement passionnel. Comment une femme ne pourrait être mue, si ce n’est par ses passions ? Les principaux reproches des sans-culottes sont d’ailleurs ceux-ci, comment une femme peut-elle prétendre comprendre la politique et menacer le pouvoir de l’homme. Bref, une castration symbolique des révolutionnaires. Elle n’était pas la seule femme à avoir marqué son époque, mais dans leur ensemble, les femmes ont été rapidement marginalisées, comme Manon Roland, Théroigne de Méricourt… ou la plus célèbre, Olympe de Gouges.

Toutes, ou presque, sont guillotinées car elles « représentent un danger ». Sitôt après la mort de Marat, on fait interdire les clubs de femmes – un danger pour la révolution. La virginité de Charlotte Corday met fin à l’approche passionnelle.

Le procès de Corday a sans doute un retentissement plus important que l’assassinat lui-même. Elle y fait le procès de la révolution, de sa justice arbitraire et exécutive, du pouvoir de ses représentants. Elle réussit alors à se construire son mythe de l’héroïne républicaine… récupérée et adulée pourtant par Drieu La Rochelle et par les nazis pour qui Corday a tué le judéo-marxiste Marat.


Clément Delaunay